top of page
  • ELMS

La République Dominicaine érige son mur à la frontière avec Haïti

L'idée de Donald Trump d'ériger un mur entre le Mexique et les Etats-Unis a fait des émules. Il y aura donc un mur entre les deux républiques de l'île d'Hispaniola, la République Dominique et Haïti. C’est l’annonce faite par le président dominicain Luis Abinader dimanche 20 février. Ce projet controversé consiste à ériger un mur de 164 kilomètres de long afin d’aider le contrôle de l’immigration clandestine et le crime en provenance du pays voisin. Selon le président dominicain, il a pour but de controler l'immigration clandestine et la criminalité entre les deux pays.






On le sait, les relations entre les deux républiques caribéennes n'ont jamais été au beau fixe. Des antagonismes socio-historiques sur fond de racisme. Une divison accentuée par la grande problématique de l'immigration haïtienne en République Dominicaine. Les autorités dominicaines affirment qu'il y aurait entre 50 000 et 100 000 haïtiens mais selon les ONG, deux millions d'haïtiens seraient établis dans la partie hispanophone de l'île. Une migration de plus en plus mal perçue par une grande majorité de la population dominicaine.


A plusieurs reprises, les différents gouvernements qui se sont succédés à la tête de la République hispanique ont tenté de freiner les arrivées toujours plus grandes d'haïtiens. En 2004, la loi sur la nationalité (Ley 285-04) a été modifiée et a défini les travailleurs immigrés temporaires et les résidents étrangers de la frontière entre Haïti et la République dominicaine comme étant de passage, quelle que soit la durée de leur séjour dans le pays. La loi a ouvert un débat sur la question de savoir si les enfants nés en République dominicaine pouvaient être citoyens si leurs parents étaient considérés comme des immigrants temporaires. En 2010, la constitution a été modifiée pour inclure tous les résidents sans papiers en tant que personnes de passage. Le débat concernant le verbiage à utiliser dans l'amendement s'est concentré uniquement sur les travailleurs migrants haïtiens. L'article 18, tel qu'adopté, stipulait que les citoyens dominicains étaient « les personnes nées sur le territoire national, à l'exception des fils et filles d'étrangers membres des légations diplomatiques et consulaires, étrangers en transit ou résidant illégalement sur le territoire dominicain ».

Puis, en 2013, lors de la décision de justice dans l'affaire Juliana Deguis contre le Conseil électoral central, la Cour constitutionnelle de la République dominicaine avait indiqué que toute personne née dans le pays après 1929 de parents étrangers en transit n'avait pas la nationalité dominicaine. Une décision qui avait fait polémique, puisque près de 250 000 personnes " noires " pour la grande majorité d'entres elles étaient menacées d'expulsion. Ce qui avait conduit la République Dominicaine sur le banc des nations avec des condamnations notamment des Etats d'Amérique et de la Caraïbe. Par ailleurs, la communauté internationale, y compris Amnesty International , la Commission interaméricaine des droits de l'homme et Human Rights Watch , avaient elles aussi exprimé leurs préoccupations au sujet de cette décision.


En réponse, en 2014, le gouvernement a adopté une loi sur la naturalisation (Ley 169-14) qui a divisé les étrangers nés en République dominicaine entre 1929 et 2007 en deux catégories. Le premier groupe, d'environ 55 000 personnes, était composé d'enfants de sans-papiers dont les naissances avaient été enregistrées dans l'état civil. Ils bénéficieraient d'une amnistie légale, leurs actions pendant la période où ils se croyaient dominicains resteraient légaux et contraignants, et ils se verraient délivrer des cartes d'identité dominicaines, en tant que citoyens. Le deuxième groupe, d'environ 53 000 personnes, était composé d'enfants nés dans le pays mais dont les naissances n'avaient pas été enregistrées à l'état civil. Ils devaient s'enregistrer en tant qu'étrangers et pouvaient être naturalisés s'ils pouvaient fournir des documents prouvant leur naissance et leur résidence dans le pays avant la date limite de 2015. Seules 8 755 personnes du deuxième groupe ont pu fournir des preuves et s'inscrire. Un troisième groupe de personnes, celles qui sont nées entre 2007 et 2010, devaient s'enregistrer en tant qu'étrangers et pouvaient demander la naturalisation ordinaire après deux ans.


Des décisions qui avaient aussi été condamnées par les instances internationales parmi lesquelles la Commission interaméricaine des droits de l'homme a statué en 2014 que le jugement dans l'affaire Deguis et la loi 169-14 violaient la Convention américaine et a ordonné à la République dominicaine d'adopter des mesures pour annuler les parties de documents juridiques contraires à la Convention américaine. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, 288 466 immigrés sans papiers, principalement d'origine haïtienne, ont demandé des permis de séjour et de travail après l'adoption de la loi 169-14, mais seulement quelques centaines de permis avaient été accordés. Les agents d'immigration ont expulsé 15 754 immigrés sans papiers vers Haïti entre août 2015 et janvier 2016 et 113 320 autres personnes sont parties volontairement au cours de la même période. " La loi a affecté de manière disproportionnée les femmes haïtiano-dominicaines car, bien qu'elles obtiennent automatiquement la citoyenneté si elles épousent un ressortissant dominicain, son statut de sans-papiers remet en question la validité de la nationalité de leurs enfants. En tant que sans-papiers, les femmes dans cette situation doivent souvent travailler dans des secteurs où leur emploi n'est pas déclaré."


Pour autant, cette loi n'a pas freiné les arrivées clandestines d'haïtiens en quête d'une vie meilleure chez son voisin à l'économie et la politiques plus stables. Si bien que l'idée d'une séparation physique entre les deux pays a fait son apparition. Sans doute inspiré par le grand projet de l'ancien président des Etats-Unis, Donald Trump qui souhaitait ériger un mur entre le Mexique et son pays, le président dominicain élu en août 2020 a donc acté l'un des points de son programme.


Un mur de béton avec des caméras pour lutter contre les clandestins :


Les travaux coûteront 31 millions de dollars et dureront neuf mois. La première étape lancée dimanche comportera 54 kilomètres de clôture ont commencé à être installés. Ce mur sera prolongé dans une deuxième étape pour atteindre 164 kilomètres. Le mur en béton armé, sur lequel sera posée une structure métallique, sera haut de 3,90 mètres et épais de 20 centimètres. Il y aura, 70 tours de surveillance et de contrôle afin de lutter contre l’immigration clandestine.


Pour Luis Abinader, cette barrière « bénéficiera aux deux pays, puisqu’elle permettra un contrôle beaucoup plus efficace du commerce bilatéral, une régulation des flux migratoires pour lutter contre les mafias du trafic d’êtres humains, lutter contre le trafic de drogue et les ventes illégales d’armes » Dans son allocution, le chef d'état dominicain est revenu sur la situation préoccupante de son voisin haïtien : " La grave crise institutionnelle et sécuritaire en Haïti a conduit sa population à « une situation préoccupante d’instabilité politique et sociale, ainsi qu’une crise économique et alimentaire endémique [...] Chaque fois qu’Haïti a subi une catastrophe, nous, Dominicains, avons toujours été les premiers à lui venir en aide. Cependant, la République dominicaine ne peut pas prendre en charge la crise politique et économique de ce pays ni résoudre le reste de ses problèmes », a-t-il déclaré.


A peine commencé, le mur est déjà vivement critiqué par les organisations de défense ds clandestins qui dénoncent le caractère xénophobe et raciste de ce mur. Pour rappel, la République dominicaine a adopté en septembre dernier des restrictions supplémentaires concernant l’entrée d’immigrés sur son territoire et a obligé les entreprises locales à réduire le recrutement de travailleurs haïtiens.

39 vues0 commentaire
bottom of page