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Sargasses, Brume de Sable, Erosion, Ouragans, les Antilles-Françaises paradis à préserver.

Des paysages luxuriants, des plages de sables fins, des rivières et des cascades toutes plus belles les unes que les autres, autant d'atouts qui placent la Guadeloupe et la Martinique dans les 10 destinations touristiques favorites des français. Pourtant, depuis moins d'une décennie ces petits paradis riches en biodiversité vivent sous la menace écologique. Sargasses, brumes de sable, érosion des côtes, ouragans violents sont les nouveaux fléaux qui menacent l'existence de ces trésors environnementaux.



Dès que l'on évoque la Guadeloupe ou la Martinique, il est évident que les clichés de plage, soleil, sable fin et farniente reviennent. Pour la carte postale , ces régions françaises des Caraïbes sont avant tout des endroits où il fait bon vivre, avec un soleil qui brille toute l'année, des plages de sables fins sur lesquelles, la dégustation des Ti-Punch ou de l'eau de coco est possible, le tout les pieds dans une eau cristalline à 28°c. Parmi les autres clichés il y a en autre, l'amabilité et l'accueil chaleureux de ces peuples, ce qui donne un aspect convivial au séjour touristique. Il faut dire qu'avec leur paysages luxuriants, leurs plages de sable fin, leurs rivières et cascades toutes plus belles les unes que les autres, leurs plats épicés, la Guadeloupe et la Martinique ont tout pour plaire et satisfaire vos envies de dépaysement. Pourtant, depuis environ une décennie ces petits paradis sur terre vivent sous la menace écologique.


Entre les sargasses, les brumes de sable, l'érosion des côtes, les ouragans plus violents que par le passé, les Antilles-Françaises tout comme leurs voisines anglophones sont placées dans une situation de vulnérabilité. Ces nouveaux fléaux menacent l'existence de ces îles riches en biodiversité.


a) Les Sargasses : fléau environnemental et des risques pour la santé :

Photo d'Adéola Bambe
pieds dans les sargasses. Photo : Adeola Bambe

Loin d'être un phénomène contemporain, les sargasses étaient déjà connues au XVe siècle, lors de ses expéditions, l'explorateur Christophe Colomb avait pu observer ces masses flottantes. Toutefois, il semblerait que le navigateur Portugais Diogo de Teive aurait atteint la mer des Sargasses vers 1452. Elle fut même mentionnée sous le nom de Mare di Baga, dans une carte marine italienne de l'époque. Au cours des siècles suivants, les marins qui sillonanaient l'Atlantique nord entre le XVe, XVI, XVIIe et XVIIIe siècle craignaient de traverser cette mer qui était une zone de calme plat, sans vent, où il était difficile d'en sortir. Depuis la fin de l'année 2010 début de l'année 2011, l'arc caribéen au sein duquel se trouvent les îles de Guadeloupe et de Martinique est perturbé par l'arrivée d'algues brunes. Au départ irrégulières, avec des échouages tous les deux ou trois ans, on constate que les algues sargasses sont toujours plus nombreuses et toujours plus récurrentes avec désormais des échouages chaque année.



Deux années ont été particulièrement riches en échouages. Il s'agit de 2015 et de 2018. En 2015, la quantité de sargasses explose. Cette année là, les échouages sont massifs et quotidiens, les populations en colère appellent à l'aide les gouvernements qui, eux se retrouvent déborder par la quantité journalière et donc complètement démunis face à la situation. Trois ans plus tard, soit en 2018, la situation empire. En Guadeloupe et en Martinique les écoles ferment, des abris anti-sargasses sont ouverts pour les populations les plus exposées, les hôtels et les gîtes ferment leurs portes, les liaisons maritimes sont arrêtées. Une situation quasi similaire dans les autres pays de la région.

Quant à leur provenance, le monde scientifique semble être divisé. En effet, pendant longtemps, les hypothèses laissaient penser que ces algues d'apparences inoffensives provenaient du Golfe du Mexique ou de la Mer des Sargasses située dans le nord de la Caraïbe ( proche des Bermudes) et tiendrait de son nom des algues dites Sargassum qui ont la particularité d'y flotter, et de s'y accumuler en surface. Cependant, selon une autre thèse avancée par de nombreux scientifiques, elles proviendraient du Brésil. En 2013, une équipe de scientifiques du Canada menée par Jim Gower a montré qu'une " nouvelle petite mer des sargasses" s'est constituée au large du Brésil. Grâce au suivi satellitaire, les scientifiques du Canada mais aussi ceux de la Guadeloupe ont mis en évidence cette nouvelle zone de développement d'algues brunes.



Selon certains experts, la déforestation en Amazonie serait la cause de cette prolifération soudaine de ces algues auxquels étaient déjà habitués marins et population des pays du continent. Ainsi, il semblerait que les nutriments contenus dans l'eau de l'Amazone et l'Orénoque, deux des plus grands fleuves du Brésil, profiteraient à la croissance de ces algues et favorisaient leur développement. Selon Franck Mazéas de la DEAL "cette petite mer des sargasses" se situe dans une zone où les algues peuvent trouver de quoi se"nourrir". "Ces nutriments proviennent du fleuve Congo (en Afrique), de l'Amazone, des upwellings équatoriaux (remontées d'eaux froides du fond) et des poussières de sables du Sahara riches en fer et Phosphates". Il semblerait que cette petite mer des sargasses se soit créée grâce à des vents d’ouest inhabituellement forts et orientés vers le sud pendant l’hiver 2009-2010. Des algues sargasses auraient donc été transportées grâce aux vents et aux courants de la mer des sargasses dans l’hémisphère nord à l’Atlantique tropical en avril-mai 2011.

Dans leurs études, les scientifiques ont établi l'existence de deux espèces d'algues, les " sargassum natans" et les sargassum fluitants. Toutes deux peuvent croître et se diviser totalement au large, contrairement à d'autres espèces comme " sargassum multicum " qui elle nécessite une fixation dans des eaux de faible profondeur. Cette caractéristique permet donc à ces algues de survivre sur des grandes étendues d'eau et sur de grandes distances avant de venir s'échouer, se décomposer sur les côtes. Résultat, en Guadeloupe comme à la Martinique et même ailleurs dans la région caraïbe, les Etats sont débordés. Par ailleurs, les conséquences de ces échouages massifs sont à la fois environnementales pour les nombreuses espèces aquatiques ou végétales marines. Il est vrai que les îles d'algues flottantes ont toujours été un abri pour de très nombreuses espèces telles que les tortues, les crabes, les anguilles ou même pour certains poissons. Mais, lorsqu'elles deviennent trop abondantes, elles peuvent devenir un vrai problème pour les écosystèmes marins. Ces amas se transforment donc en piège pour certaines espèces et asphyxier les coraux et la végétation sous-marin au niveau des côtes. De plus,plusieurs études ont prouvé que les sargasses ont des conséquences sur la santé des populations exposées puisque la dégradation produit de l'hydrogène sulfuré, gaz très toxique dont l'odeur est aujourd'hui bien connue de tous. Il est donc recommandé aux personnes sensibles ( enfants, personnes âgées, asthmatiques etc) d'éviter les zones où les sargasses sont en décomposition, mais difficile de partir quand, on vit depuis des générations près des côtes. Ces échouages ont notamment des conséquences économiques, pour ces Etats de la côte Caraïbe dont l'économie repose essentiellement sur le tourisme, dépensent des sommes folles qui se compte en centaines de millions d'euros ou de dollars. ( en fonction de la devise utilisée par le pays). Un véritable coup financier pour des états insulaires aux économiques fragiles. Alors face à la crise, le gouvernement français a dépêché sur place, ( en Juin 2018), les anciens ministres de la Transition écologique, l'écologiste Nicolas Hulot et des Outre-mer, Annick Girardin. Au cours de cette visite officielle de quatre jours, un plan d'aide d'une dizaine de millions d'euros sur deux ans est annoncé. Un plan dont le but principal consistait à réduire le délai de ramassage pour éviter que les algues ne se décomposent sur les rivages et ne libèrent leurs émanations toxiques. Le plan consistait surtout à soulager les communes impactées et qui dépensaient des folles astronomiques ( en dizaine de milliers d'€/ jour) pour le ramassage. Depuis cette visite, un dispositif opéré par Météo France a été mis en place à partir de Janvier 2018 qui permet de suivre l'arrivée des sargasses grâce à des bulletins de prévision sur les sites internet de la DEAL ( Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) en Martinique et en Guadeloupe. En Septembre 2018, c'est autour du président Macron de se rendre en visite dans les îles afin d'affirmer l'engagement complet de l'Etat surtout au niveau financier. Comme le soulignait La 1ère, au cours de sa visite le président s'est engagé à "investir dans la recherche pour valoriser ces algues et regarder vers l'avenir", par ailleurs, le président a aussi affirmer que l'Etat s'engagerait à " ce que les sargasses soient ramassées dans les 48h en achetant des machines " Le problème des sargasses est tel qu'il s'est même invité dans le Grand Débat National initié par le président après la crise des Gilets Jaunes. Du 23 au 26 Octobre 2019, la Guadeloupe a accueilli des entreprises, des scientifiques et des délégations de la région Caraïbe ainsi que des entreprises françaises pour la première édition de la grande Conférence Internationale sur les Sargasses ( Sarg'Expo),au WTC de Jarry. Trois jours au cours desquels, scientifiques, politiques, chefs d'entreprise ont mené des discussions pour tenter de trouver une solution à la grande problématique que sont les algues sargasses. Cette première rencontre ponctuée par la présence de l'ancien premier ministre Edouard Philippe, a surtout inauguré une nouvelle page de la coopération régionale en incluant cette fois les Antilles-Françaises. D'autre part, Edouard Philippe promettait que " l'accompagnement de l'Etat" se poursuivrait dans la durée, il a aussi annoncé une enveloppe supplémentaire de 500 000€ pour la collecte en mer des sargasses sans pour autant faire de grandes annonces au grand dam des élus et des populations locales qui attendaient des solutions concrètes, preuve que même l'une des plus grandes puissances mondiales est dépourvue de moyens face à une catastrophe écologique transnationale. En attendant, les échouages se poursuivent sur les littoraux de Guadeloupe, Martinique, Guyane et des autres nations caribéennes qui n'ont pour seules solutions le ramassage ou la mise en place de barrages soit en filet ou soit comme à la Martinique des centaines de cubes rattachés les uns aux autres mis en service au Robert, commune fortement impactée par les échouages. Cependant, l'avenir semble beaucoup moins sombre qu'il n'y parait. En effet, plusieurs actions de valorisation ont été entreprises dans différentes îles comme la transformation des algues brunes en engrais après avoir retiré les métaux lourds qu'elles contiennent. D'autres innovations ont été entreprises comme à Saint-Barthélémy où Pierre-Antoine Guibout souhaite transformer les sargasses en pâte à papier. Ailleurs on a pu voir que les sargasses étaient utilisées pour la fabrication de maison, de chaussures etc. Enfin les idées ne manquent pas seul problème à la clé, le financement de tous ces projets qui pourraient faire de la Caraïbe une région d'innovations.



b) Les brumes de sable :


Au cours du mois de Juin plus spécifiquement vers la période du 20 au 25 Juin, un immense nuage de sable fin et de poussière du désert du Sahara a obscurci le ciel d'ordinaire le ciel bleu de la Caraïbe, portées par les alizés, les brume des côtes de Floride à celles de la Colombie, aucun pays n'a été épargné. Ces jours-là, la concentration en particules fines PM10 dans l'air dépassait largement le seuil d'alerte, soit 80mg/m3 en moyenne sur 24 heures. Par exemple, en Guadeloupe, à Basse-Terre, le seuil était de 258mg/m3 et à Pointe-à-Pitre, il était de 245 mg/m3. De mémoire de caribéens, cela faisait 50 à 60 ans qu'un tel phénomène ne s'était pas produit. En effet, les concentrations étaient telles, qu'elles ont atteinte les côtes du Mexique. Originaires du Sahara, portées par les Alizés qui se chargent de les faire traverser l'Atlantique, les brumes de sable, phénomène naturel deviennent depuis quelques années un véritable problème environnemental et même sanitaire pour les pays de la Côte Caraïbe.


Sur son site, Madinair ( organisme chargé de surveiller la qualité de l'air en Martinique) est plus précis sur le déplacement des sargasses : " Le transport des particules depuis le désert africain jusqu’aux Antilles s’explique par la présence de dépressions thermiques au-dessus du Sahara étant à l’origine de vents turbulents et donc de mise en suspension des particules. En effet, la convergence de masses d’air chaudes de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud pendant la période estivale entraîne les particules désertiques à haute altitude et permettent aux alizés de véhiculer ces nuages de particules sur l’archipel des Caraïbes. Les particules en suspension sont ainsi transportées à une altitude comprise entre 1500 et 6000 mètres, de l’océan Atlantique vers les Antilles. "


Air sec et lourd, atmosphère suffoquant le tout accompagné d'une forte chaleur, les conséquences des brumes sable au niveau de la santé sont nombreuses. Déjà par leur composition, très toxique. Il y aurait du fer, de l'aluminium, de l'arsenic, du plomb, du carbone, du sodium, de la chloride, du sulfate, du nitrate, de l'ammonium, du phosphore, cadmium, et plus de 46 autres métaux tous dangereux. Autant de particules fines liées aux activités humaines polluantes combinées au réchauffement climatique, et qui provoqueraient des gènes respiratoires, de l'asthme, des conjonctivites etc. Néanmoins, tout n'est pas si négatif que ça en à l'air. Même si la communauté n'est pas totalement d'accord sur ce point, les brumes de sable du Sahara ou du Sahel influeraient sur les températures de la surface de l'océan. Plus il y a de poussières, moins l'eau est chaude. Or, selon les scientifiques, cette eau chaude est l'un des facteurs entraînant la formation et le développement de cyclones. En résumé, la présence de brume de sable sur l'Atlantique pourrait limiter la formation de phénomènes cycloniques. Une thèse que certains scientifiques réfutent car la température de la surface des eaux ne jouerait pas un rôle aussi important que l'on pensait jusqu'alors. En revanche, une autre thèse avance que les brumes de sable, étant constituées d'air chaud et sec, freineraient, à défaut d'empêcher, la formation d'ouragans, car, pour se développer un cyclone a besoin d'air chaud, c'est vrai, mais surtout d'humidité. Nous l'avons vu plus haut, les brumes sont transportées par un vent sec, freinant parfois la formation de phénomènes météorologiques extrêmes.

Autre aspect positif, les scientifiques expliquent que le Phosphore dans les brumes de sable est un véritable fertilisant pour le bassin Amazonien mais aussi pour les Caraïbes. Ils lui attribuent également la formation de nouveaux sols dans les îles caribéennes. Cette dernière supposition scientifique explique aussi le lien entre brume de sable et sargasses. Ainsi, le phosphore fertilise effectivement les sols de l'Amazonie. Seulement le poumon de la terre (la forêt amazonienne) est victime de déforestation. Résultat, quand il pleut en Amérique du Sud, les nutriments déposés par les brumes de sable se déversent, par ruissellement, dans l'océan Atlantique.


En attendant, le phénomène est loin de s’apaiser, en effet, le 13 Juillet dernier Universe Today, indiquait sur son site qu'" Un nuage de sable telle­ment gros qu’il est surnommé « Godzilla » a été observé par les satel­lites Coper­ni­cus Senti­nel et Aeolus de l’Agence spatiale euro­péenne (ESA). Formé au Sahara, cet amas de pous­sière sans précé­dent se dirige direc­te­ment vers l’Amé­rique. "




c) L'érosion du littoral :


Destinations prisées des vacanciers européens et internationaux, les caraïbes sont un haut lieu du tourisme mondial. Comme leurs voisines anglophones ou hispanophones, le tourisme a pris une part importante dans l'économie des Antilles-Françaises, Guadeloupe comme Martinique. Depuis 2017, les îles de Guadeloupe et de Martinique attirent et non plus seulement des touristes français. C'est donc une clientèle internationale qui se pressent sur nos plages et recherchent le calme absolu le tout dans une destination de rêve. Ainsi en 2017, les destinations Guadeloupe et Martinique gagne en attractivité, la fréquentation touristique est en hausse de 19% en Martinique et de 13% en Guadeloupe entre 2016 et 2017 ( source : INSEE ). Selon, l'institut des sondages, cette augmentation est portée essentiellement par le secteur des croisières ( +45% en Martinique et 15% en Guadeloupe) mais également par le tourisme de séjour ( en Guadeloupe +11,8% et 3,1% à la Martinique). Elle se traduit aussi par une augmentation du nombre de nuitées consommées dans l'hôtellerie ( +23,6% en Guadeloupe et 8,6% pour la Martinique). A plusieurs reprises, les îles de Guadeloupe et leur sœur martiniquaise ont figuré dans différents classements des meilleures destinations de la Caraïbe. Des chiffres et des distinctions plutôt encourageants pour ces paradis naturels. Pourtant, la Guadeloupe et la Martinique ne sont pas épargnés par l'érosion du littoral, phénomène naturel qui s'est accentué ces dernières années avec le réchauffement climatique.

Érosion du littoral à Sainte-Marie de Capesterre-Belle-Eau • ©Nadine Fadel
Érosion du littoral à Sainte-Marie de Capesterre-Belle-Eau

En effet, pour les habitants de ces deux îles, le constat est flagrant, le littoral côtier se réduit peu à peu. Ce n'est pas une simple impression, mais bien une réalité amplifiée par la fonte des glaciers dans les deux Pôles. D'autres facteurs jouent un rôle crucial dans l'érosion du littoral, comme le notent, Fabiola Nicolas-Bragance et Pascal Saffache dans leurs recherches " Les plages sablonneuses recherchées par les touristes ne sont pas le paysage dominant. En réalité, le littoral martiniquais se compose de quatre entités physiques différentes : les anses sablonneuses, les anses vaseuses, les embouchures des rivières et les falaises. Ces formations, à l’origine de la diversité écosystémique du littoral, constituent des paysages remarquables mais peu étendus, rarement contigus, à l’équilibre précaire parce que les processus qui les animent sont complexes. De plus, avec l’anthropisation croissante, les côtes artificialisées tendent à se développer.En règle générale, le développement d’une île se fait à partir de son centre, puis il s’étale de façon centrifuge jusqu’aux marges côtières. Dans les Antilles, ce modèle ne fonctionne pas car, les îles étant pour la plupart montagneuses, peu d’activités ont pu prendre appui sur les montagnes centrales. Le centre géographique des îles s’est donc transformé en marge économique, alors que les marges géographiques (les littoraux) sont devenues des centres économiques ; cette inversion du modèle de développement s’est traduite par une concentration des hommes et des activités sur des marges côtières écologiquement riches, mais de plus en plus dégradées."


On sait donc que l'érosion côtière est dû à de multiples facteurs anthropiques que sont notamment, la destruction des milieux naturels par exemple les mangroves qui jouent un rôle environnemental déterminant. Elles permettent en autre la stabilisation des marges côtières et permettent de lutter contre l'érosion,elles retiennent les sédiments les plus fins et donc limitent l'envasement des baies, et elles fixent aussi les polluants dans les sédiments qu'elles retiennent. De plus, les mangroves servent nurseries pour de nombreuses espèces et maintiennent les micros climats. Sauf que les activités humaines, aussi nombreuses soient elles menacent l'équilibre écologique.


Parmi ces menaces on note les activités agricoles, l'autre pan de l'économique guadeloupéenne et martiniquaise, qui durant plusieurs décennies aura nécessité l'utilisation de produits toxiques parmi lesquels le chlordécone utilisé dans les bananeraies des deux îles soeurs. Toujours selon Fabiola Nicolas-Bragance et Pascal Saffache : " D’après le bureau d’études SIEE (1998), ce serait 250 à 600 tonnes de matières azotées –épandues dans les bananeraies et les champs de canne à sucre – qui seraient entraînées chaque année par les eaux de ruissellement dans les baies et les culs-de-sac marins. Cet enrichissement anthropique de l’eau de mer, favoriserait la prolifération d’algues (Sargassum, Turbinari, Dictyota) qui se développeraient au détriment des coraux... " Les élevages clandestins (porcins) en bordure de rivière, sont autant de facteurs supplémentaires qui accentuent l’eutrophisation du milieu...Les activités industrielles et urbaines sont aussi des facteurs qui accentuent l'érosion. D'autre part, pendant des décennies, d'énormes volumes de sable ont été prélevés dans la mer pour les besoins du BTP, accentuant l'érosion.


Alors, face à cela, la lutte s'organise. Les collectivités locales redoublent d'ingéniosité pour ralentir le phénomène,(sans pour autant l'arrêter) avec l'enrochement surplombé par du mur en béton, un technique peu efficace mais omniprésente sur presque la quasi totalité des communes côtières de Guadeloupe et Martinique. Quand toutes les méthodes ont été employées et que le risque persiste, les municipalités relogent les populations vulnérables , comme c'est le cas du côté de Capesterre-Belle-Eau en Guadeloupe où l'écroulement des falaises dans plusieurs secteurs de la ville, ( Sainte-Marie Poudrière, Saint-Sauveur, Catherine Doyon, Moulin à eau) a contraint la mairie et l'Agence des 50 Pas Géométriques de démolir des habitations. D'autres communes de l'archipel français voient aussi leurs domaines cotiers diminuer et sont donc obligés de relocaliser leurs habitants.



A la Martinique, la commune du Prêcheur est sans doute l'une des communes les plus impactées. Située au nord-ouest de la Martinique entre la montagne Pelée et la mer, cette petite ville de 1 700 habitants a vu son trait de côte reculer de près de 100 mètres en une soixantaine d'années. Sous l'action de l'érosion, des plages ont été grignotées, certaines ont disparu, et des abris de pêcheurs ont été engloutis. L'érosion, d'abord localisée au nord de la Martinique touche désormais l'ensemble de l'île, à l'image de la plage des Salines, l'une des plus visitées dans le sud. A certains endroits, le sable blanc n'est même plus visible et les cocotiers ont déjà les pieds dans l'eau. Même constat à Sainte-Anne en Guadeloupe avec les plages du bourg et de la Caravelle parmi les plus belles de l'archipel, où l'on constate une avancée de la mer. Au Gosier, le constat est le même, après le passage de l'Ouragan Maria, les plages de la Datcha et de l'Anse Tabarin ont vu leur superficie diminuer ce qui a engendré des tensions entre les riverains et les propriétaires des bars, accusés de monopoliser l'espace. Autre exemple, l'îlet Caret, situé dans le Grand-Cul-De-Sac Marin au large de la commune de Sainte-Rose et naguère l'un des plus beaux îlets que comptait la Guadeloupe, Ravagé par l'érosion, le problème de Caret a été accentué par le passage des ouragans dévastateurs, le tout amplifié par les nombreuses activités nautiques. Autrefois haut spot du tourisme en Guadeloupe, l'île fait désormais peine à voir. Il ne reste plus aucun palmier debout et sa superficie s'amenuise très rapidement. Des citoyens engagés, passionnés du site tentent tant bien que mal de préserver le site et de freiner la catastrophe, mais il est sans doute trop tard.




d) Les Ouragans moins nombreux mais de plus en plus violents :


Quand on vit en Guadeloupe ou en Martinique, ou tout simplement dans l'arc Antillais, s'il y a bien une chose à laquelle on est habitué, ce sont les tempêtes tropicales et toutes leurs déclinaisons, les cyclones et autres ouragans. Chaque année, du mois de juin à fin Octobre, la région est au centre des perturbations météorologiques. Plusieurs ont laissé un souvenir indélébile dans l'histoire de la région, parmi la longue liste de cyclones dévastateurs, on se souvient de David en 1979, Allen, Hugo en 1989, Andrew en 1992, Luis, en 1995, Mitch en 1998, Katrina en 2005, Wilma en 2005, Dean en 2007, Sandy en 2012 et plus récemment Irma, Maria en 2017 ou encore Dorian qui a ravagé les Bahamas en 2019. De part leur position géographique, les pays de la Caraïbes, situés dans la zone de passage des tempêtes tropicales, se retrouvent en position de vulnérabilité.

Depuis le 16 mai, la Caraïbe est entrée en période cyclonique. Bien qu'il ne concernait pas la Guadeloupe et la Martinique, Arthur première tempête tropicale a inauguré une saison cyclonique qui s'annonce particulièrement active. En effet, les prévisionnistes de Weather Channel (canal de nouvelles de la météo en continu : USA) prévoient pas moins de 18 tempêtes en 2020, dont neuf ouragans et quatre qui pourraient devenir des ouragans majeurs. Concordance des chiffres avec ceux des prévisionnistes d'AccuWeather (compagnie privée américaine) qui prévoient de 14 à 20 tempêtes tropicales et ouragans pour cette année.


La saison officielle des ouragans dans l’Atlantique augmente de façon spectaculaire au cours des décennies. Il y a près d’un siècle, les tempêtes étaient attendues entre le 15 juin et le 31 octobre. La saison a été ramenée  du 1er juin au 30 novembre. Selon les études réalisées ces dernières décennies, le réchauffement des eaux océaniques est responsable de cette augmentation de l’activité des tempêtes plus tôt dans l’année, ainsi que de l’augmentation de la force de ces phénomènes climatiques qui finissent par atteindre la terre. Sauf, que contrairement aux idées reçues, les ouragans ne sont pas plus nombreux, mais ils seraient plus violents. En effet, depuis les années 70, les ouragans sont étudiés par satellite. Les scientifiques constatent qu'il n'y a pas d'avantage de formations du phénomène et que la température chaude des océans contribue à fournir plus d'énergie aux ouragans qui se forment et ils sont ainsi davantage destructeurs.


Suite au passage de l'ouragan Dorian sur les Bahamas, Gabriel Vecchi professeur de géosciences à l'université de Princeton aux États-Unis et auteur de nombreuses études sur les ouragans, interviewé par Le Point, apporte des précisions plus précises :


" Au cours des dernières décennies, les cycles naturels de l'océan et de l'atmosphère ont permis de concentrer la chaleur dans l'Atlantique, renforçant ainsi l'activité des ouragans. Les « aérosols » – ces petites particules dans l'atmosphère, telles que la poussière, la suie et le sulfate – avaient une concentration plus élevée au-dessus de l'Atlantique dans les années 1970-1980 qu'au cours des dernières décennies, et leur concentration réduite permettait à plus de lumière solaire de chauffer l'Atlantique récemment, renforçant l'activité des ouragans. Enfin, l'augmentation des gaz à effet de serre a entraîné un réchauffement régulier de l'Atlantique, ce qui a contribué à accroître l'activité des ouragans."


Pour information, c'est la température de l'eau qui conditionne leur formation. Elle doit être à 27°C, jusqu'à 60 mètres de profondeur. C'est là que la condensation va monter pour former une tempête tropicale. Elle devient un ouragan quand les vents soufflent à au moins 119 km/h. Pour atteindre la catégorie 2, les vents tourbillonnent à 154 km/h. En catégorie 5, les vents soufflent à 252 km/h. Ces phénomènes naturels destructeurs menacent l'existence même de ces pays insulaires, puisqu'ils influent sur la montée des eaux et favorisent la formation des Tsunamis comme ce fut le cas en Asie du Sud Est en 2004.


Véritables trésors terrestres aux paysages luxuriants, riches en biodiversité, les Antilles-Françaises sont des paradis en sursis qu'il est impératif de protéger pour le bien-être écologique mondial.

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